Trop souvent la France condamne ici ou là dans le monde, des coups d’ETAT; des auteurs d’exactions ou d’atrocités dans des conflits. Mais paradoxalement, notre système judiciaire n’est pas étendu à la compétence universelle.
J’ai donc décidé de poser une question orale au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
Je publierai sa réponse officielle, dès qu’elle me sera donnée en séance publique .
Question n° 22233 adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice
À publier le : 13/04/2021
Texte de la question : M. Gilbert Roger attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les verrous juridiques qui empêchent en France la poursuite des criminels internationaux, dans le cadre de l’exercice de la compétence universelle. Dans de nombreuses zones de conflits dans le monde, en Asie, au Moyen-Orient ou en Afrique, on observe une impunité croissante d’autorités et d’individus qui se rendent coupables des crimes les plus graves (crimes contre l’humanité, crimes de génocide, crimes de guerre, crimes d’apartheid), prohibés par le statut de Rome et bien d’autres traités. Dans le cadre de la compétence « universelle » prévue par les articles 689 à 689-13 du code de procédure pénale, les tribunaux français pourraient exercer leur pouvoir de poursuivre et juger directement de telles infractions commises hors de France par des individus, notamment en application de la convention internationale contre la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid ou encore la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006. Ils en sont malheureusement empêchés par des conditions extrêmement restrictives qui, notamment, réservent le monopole des poursuites au parquet, et donc au Gouvernement, en contradiction totale avec notre tradition juridique en droit pénal. L’exigence de résidence habituelle sur le territoire français des auteurs des faits reprochés est également incohérente avec le droit français existant, et la nécessité de double incrimination est une exigence que la Cour pénale internationale (CPI) n’a pas, par exemple. Enfin, la France exige que la CPI se déclare d’abord incompétente avant d’agir, alors que la CPI oblige les États à juger les crimes internationaux de prime abord. Ces verrous ont été dénoncés par de grandes organisations comme Amnesty International, par la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le conseil national des barreaux, la coalition française pour la CPI, ou encore le comité des Nations unies contre la torture. Les poursuites en cours et une première condamnation prononcée le 24 février 2021 pour crimes contre l’humanité par une juridiction allemande dans le cadre de cette compétence universelle contre des responsables syriens appréhendés en Allemagne pour complicité de crimes contre l’humanité marquent bien la force de dissuasion de ces procédures. Aucun autre système juridique en Europe que le système français n’accumule autant d’obstacles à enquêter et punir les criminels internationaux. Il le remercie de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il prévoit de prendre afin que la parole des victimes et celle des associations de défense des droits humains puissent être prises en compte par des tribunaux français pour enfin mettre un terme à une impunité que la France, garante du respect du droit international, ne peut plus ignorer. Supprimer les verrous qui entravent l’exercice de la compétence universelle française serait un complément nécessaire aux actions menées par la CPI pour lutter contre les crimes les plus graves. Ce serait l’honneur de la France, pays des droits de l’Homme, que d’adopter enfin un mécanisme de compétence universelle effectif.