Il faut reconstruire l’espoir dans les banlieues

Les très graves incidents qui ont embrasé la banlieue, et qui parfois à l’heure où je rédige cette note, peuvent se poursuivre en province, imposent désormais une reconstruction.
Mais comprenons-nous bien, la reconstruction dont je parle n’est pas urbaine et architecturale, elle est celle du tissu social.
Nous ne pourrons pas faire l’économie de débats, d’analyses et de propositions.
La vie urbaine se délite, plus aucune structure n’est perçue a priori comme un rempart aux difficultés de la vie, comme ascenseur social possible dans la société actuelle.

Prenons l’exemple de Bondy, ville de banlieue que je connais bien, parce que j’y suis né, il y a tout juste 52 ans.
Dans le quartier nord, j’y ai fait mes études, j’y ai grandi avec, à l’époque, des amis juifs, arabes, espagnols, portugais, d’Afrique noire.
La solidarité de la classe des ouvriers modestes qu’étaient nos parents, l’engagement militant des enseignants dans la vie de la cité, les centres de loisirs et les clubs sportifs, nous ont permis de croire en plusieurs petites choses qui font, avec le recul, de beaux fondements pour le respect d’autrui.
Aujourd’hui les bénévoles associatifs sont exténués du peu de reconnaissance des pouvoirs publics.

Le nord de Bondy c’est 12 000 habitants. 
C’est une ville de banlieue, voire même une Sous-Préfecture de province avec sa mairie son maire et un conseil municipal, des services publics forts.  Des écoles, un centre ville avec des commerces de proximités, une gendarmerie, une poste, des banques, une maison de la presse, plusieurs cafés et bars autour de la place de  l’église, au moins un collège et des écoles, à la sortie du bourg une zone d’activités artisanales… Bref pour celles et ceux qui me lisent : votre ville, avec ses petits et grands soucis.
À Bondy, si ce quartier a effectivement la chance d’avoir sa poste, il n’a plus de banque, un seul distributeur d’argent. Le collège est vécu comme le collège dont on ne veut pas pour ses propres enfants. Les habitants s’enfoncent de plus en plus dans l’isolement de communautés qui se juxtaposent sans vouloir se connaître.
Mille, dix mille fois, lors de mes déplacements, j’entends la même rengaine: "vous faites tout pour le centre ville et rien pour le nord."
Et pourtant, le réseau de bus permet à ce quartier d’être en inter connexion facile avec les RER.

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Il faut donc aller plus loin. Se pencher sur le "pourquoi ?".
Aujourd’hui, on paie comptant:
Cash l’organisation de ces quartiers comme le dortoir de Paris.
Cash, la concentration de populations qui pour aller travailler n’ont d’autres solutions que de passer par Paris.
Cash, les temps de déplacements qui avoisinent plutôt les 2 heures de transports en commun pour aller au travail.
Cash, la dérégulation de travail qui impose de travailler 7 jours sur 7 et sur n’importe quel créneau horaire. Même le temps des "3/8" est à ranger dans les livres d’histoire. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ont éclaté, morcelé la production. Aujourd’hui on produit, vend, échange en temps réel au bout du monde, à toute heure du jour et de la nuit…
Cash, le concentré de tous les maux d’une société déshumanisée.

Facile me direz-vous!

Non, car cette concentration est le résultat de ces phénomènes: l’ascenseur social s’est arrêté. Celles et ceux, mêmes modestes, qui ont pu acheter leur logement l’ont fait (et ne peuvent plus le faire dans ces quartiers). Les familles immigrées qui ont construit leur vie sur un possible retour au pays pour y jouir d’une retraite bien méritée sont en fait restées en France – et c’est un bien- pour profiter des enfants et petits-enfants. Mais aujourd’hui, ils doivent aider leurs enfants ou petits-enfants qui sont exclus du monde du travail.
Quelle image négative que cet échec.
Quel échec que ces quartiers inscrits ZEP (zone d’éducation prioritaire) qui désormais sont vécus par tous les parents comme un espace qu’il faut contourner pour leurs propres enfants.
Quel échec que le maintien  de ces barres HLM rénovées, restructurées alors qu’elles ne correspondent plus aux besoins des habitants. Et puis le scandale, c’est l’abandon de la construction de logements tout en laissant croire qu’il y a des perspectives  de se loger en région parisienne.

Oui, il nous faut reconstruire des solidarités, des valeurs républicaines, relancer l’ascenseur social et mettre fin aux discriminations. Je l’ai souvent dit sur les radios et télés pendant les émeutes, ceux qui brûlent des voitures doivent être sanctionnés et c’est bien, ils le sont. Mais vous aurez constaté qu’ils ont la carte nationale d’identité française. Cette carte-là que l’ANPE ignore quand il s’agit de trouver un travail.
Nos quartiers sont aussi plus touchés que d’autres par l’existence de familles mono parentales. C’est la femme seule qui doit subir le travail dérégulé, l’obligation de laisser souvent les enfants seuls à la maison pendant qu’elle est au travail. À ce moment encore comment les aider à passer ce cap difficile. Les villes ont mis en place des outils (crèches, aides aux devoirs…) mais quand même que propose l’Etat ?
Il nous faut chercher encore et toujours plus des réponses, car nos villes et quartiers sont pris dans la contradiction d’apparaître comme inclus dans des espaces riches (la région Île-de-France) aux yeux des populations qui meurent de faim à l’autre bout du monde, et d’un quartier abandonné aux yeux des habitants qui y survivent.
Le dialogue doit s’engager, dans les villes touchées par ces violences, mais il faudra dans des forums permanents bousculer notre pensée «politiquement correcte» en évitant les énarques et leur attrait à noyer une proposition dans un amas de règles complexes.
Ensemble nous devons faire que Liberté, Egalité, Fraternité redeviennent les valeurs de nos quartiers. A ceux là j’ajouterai : Respect, Tranquillité, Solidarité.

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Le blog de
Gilbert Roger

Ce BLOG est mon outil pour communiquer sur mes passions comme la gastronomie, les livres ou les voyages.

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