ÉNERGIES renouvelables: le sénat pour accélérer la production
Le Parlement a adopté le 7 février dernier la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Le groupe socialiste du Sénat a voté pour cette loi qui permettra d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables afin que la France puisse combler son retard et respecter ses engagements internationaux en matière de réduction des gaz à effet de serre, décarboner son mode de production et accroître son degré d’indépendance énergétique.
De ce point de vue, ce texte était à nos yeux indispensable.
Pour autant, nous avons vivement dénoncé le calendrier de cette loi qui aurait dû être examinée après la grande loi quinquennale de programmation énergétique qui s’articule avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone et dont l’examen par le Parlement est prévu courant 2023.
Par ailleurs, cette accélération ne devait pas se traduire par une régression de notre biodiversité, et une atteinte disproportionnée à nos écosystèmes.
Il fallait encore également permettre que ce déploiement puisse être planifié et que les différents échelons de la gouvernance locale puissent être associés à un processus de planification ascendant, en phase avec les souhaits des territoires et des citoyens et non par un processus impulsé d’en haut.
Ces deux points qui conditionnent selon eux la réussite de la transition écologique dans les territoires ont fait l’objet d’une attention et d’une vigilance toute particulière de leur part.
Nous avons déposé des amendements pour poser des verrous et encadrer un déploiement sans contraintes qui aurait pu porter atteinte à l’environnement, aux milieux naturels, à la biodiversité et aux sols. Ces amendements visaient également à introduire une planification issue des territoires, pour s’assurer qu’une régulation puisse accompagner le développement des énergies renouvelables.
- Encadrer le déploiement des énergies renouvelables
En ce sens, les sénatrices et sénateurs ont notamment proposé que les dispositions permettant aux projets d’énergies renouvelables de pouvoir bénéficier de manière automatique de la Raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) soient suffisamment encadrées et qu’a minima ces projets puissent être conditionnés à certaines dispositions définies par décret en Conseil d’Etat, comme le prévoyait initialement le projet de loi. Ils ont aussi proposé, mais sans résultats, que soit tenu compte des capacités de nos filières à préserver notre souveraineté industrielle.
- Accélérer le développement de l’énergie solaire thermique et photovoltaïque
Le groupe socialiste, écologiste et républicain a soutenu le développement d’énergie solaire sur le bâti existant et sur des sols déjà artificialisés. L’objectif est bien de concilier nouvelles implantations d’énergie renouvelable et protection des sols, de la biodiversité, des paysages et du patrimoine. Et sur ce point, le texte va bien au-delà de ce qui était initialement proposé par le projet de loi initial, ce dont il se félicite.
Le texte favorise ainsi le développement de la production d’énergie solaire dans les zones situées de part et d’autre des grands axes routiers et des voies ferrées ainsi que le déploiement d’un réseau fluvial à énergie positive. Il prévoit également une obligation d’équipement des parcs de stationnement extérieurs de plus de 1500m² par des ombrières intégrant un procédé d’énergies renouvelables sur au moins la moitié de leur superficie.
Sur l’impulsion de la Haute Assemblée, et des amendements que notre groupe a défendus, le texte renforce désormais les obligations de « solarisation » des nouveaux bâtiments non résidentiels, dès lors qu’ils créent plus de 500 mètres m² d’emprise au sol.
Autre point que le groupe a défendu : un encadrement des nouvelles dérogations à la loi « Littoral » et à la loi « Montagne », pour éviter une accentuation du mitage de ces espaces protégés. Aussi, le compromis trouvé par les députés et sénateurs réunis en Commission mixte paritaire (CMP) qui permet de recueillir l’avis des associations représentatives des collectivités territoriales concernées, à savoir l’ANEL ou l’ANEM est très satisfaisant.
- Défendre le développement de l’agrivoltaïsme mais préserver le foncier agricole et les agriculteurs
Les sénateurs SER ont pris une position très ferme sur les dispositions du texte concernant l’agrivoltaïsme.
Ils ont défendu, tout au long des débats, la nécessité d’encadrer strictement le développement de cette énergie renouvelable afin de ne pas détourner une exploitation agricole de sa nature première, à savoir la production alimentaire. Ils considèrent indispensable de lutter contre les effets d’aubaine et de mettre en place des garde-fous afin de prévenir toute dérive irréversible pour notre modèle agricole, ce qui serait particulièrement préjudiciable à l’heure où tout le monde s’accorde sur la nécessité de préserver notre souveraineté alimentaire.
Le texte finalement adopté apporte certaines garanties mais soulève également des interrogations, notamment en termes d’égalité de traitement sur le territoire. Les députés ont en effet fait voter le principe de la création d’un document-cadre dans chaque département, pris par arrêté préfectoral – sur proposition de la chambre départementale d’agriculture et après avis de la CDPENAF, des collectivités territoriales et des organisations professionnelles – définissant les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet agrivoltaïque ainsi que les critères d’évaluation de la compatibilité entre une activité agricole et la production d’énergie.
Comme c’est souvent le cas, la loi renvoie assez largement la mise en œuvre de cette réforme à des décrets. Les sénateurs SER seront donc très attentifs lorsqu’ils paraitront pour s’assurer qu’un équilibre acceptable par tous, soit trouvé entre la nécessaire préservation de notre modèle agricole et de notre foncier, et le développement de l‘agrivoltaïsme.
- Introduire une planification ascendante et une meilleure participation des populations dans le processus d’installation des énergies renouvelables
Il était par ailleurs nécessaire de réintroduire un processus de planification et ce pour l’ensemble des énergies renouvelables, depuis la suppression des zones de développement de l’éolien (ZDE) en 2013 qui avait abouti à un déploiement anarchique avec saturation de certains territoires comme le Nord ou la Somme.
Dans certains territoires, prédomine, en effet, dans la population un sentiment de « saturation » des espaces ou d’encerclement lorsqu’il s’agit par exemple d’implantation de parcs éoliens générant des nuisances sonores et visuelles ainsi que des pollutions lumineuses la nuit.
En réalité, les collectivités territoriales et les populations loin d’être associées à la traduction des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables sur leur territoire subissent sans concertation des choix qui leur semblent imposés d’en haut ou par de puissantes firmes transnationales.
Le sénatrices et sénateurs ont déploré ce « laisser-faire » et l’abandon de la régulation dans la mise en œuvre de la politique énergétique et de l’aménagement du territoire de la production d’énergie renouvelable au seul marché via la mise en concurrence d’intérêts privés se traduisant par un développement non maîtrisé dans certains territoires.
Pour les sénatrices et sénateurs socialistes, il était nécessaire de réintroduire un processus de planification ascendante, tenant compte des choix des territoires.
Ils considèrent, qu’en cohérence avec les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, une planification décentralisée permet, en tenant compte des efforts déjà réalisés et en évitant les espaces à forts enjeux environnementaux, d’identifier des zones concertées de capacités et de développement potentiel des énergies renouvelables. En un mot la planification énergétique doit s’appuyer sur les aspirations des territoires dans une logique ascendante, condition sine qua non de leur acceptabilité.
Pour les sénatrices et sénateurs socialistes, dans ce processus, le SCOT à côté des EPCI devait être l’un des maillons essentiels.
C’est en ce sens que les sénatrices et sénateurs socialistes ont cherché à réintroduire par voie d’amendements cette idée d’une nécessaire planification ascendante, donnant la voix aux territoires à travers les SCOT qui aurait permis de mettre en perspective le potentiel de développement de tout un territoire, ses contraintes locales et la prévention des conflits d’usage, particulièrement avec la production agricole et l’exploitation forestière.
Ils regrettent ainsi que la place accordée in fine aux SCOT ne soit pas aussi importante qu’ils l’auraient souhaitée. Grâce à leurs efforts cependant, cette loi intègre désormais une planification ascendante avec une concertation préalable des populations, et fondée sur l’identification de zones d’accélération pour l’implantation des énergies renouvelables.
Ces zones doivent permettre aux élus locaux de contribuer aux objectifs nationaux de développement des ENR., tout en tenant compte de la nécessaire diversification des énergies renouvelables en fonction des potentiels du territoire concerné et de la puissance d’énergies renouvelables déjà installée.
Un « référent préfectoral » est instauré dans chaque département. Il sera chargé de fournir un appui aux collectivités territoriales dans leurs démarches de planification de la transition énergétique. Il aura pour mission également de proposer une cartographie des zones identifiées à l’échelle du département, après avoir recueilli l’avis conforme des communes pour ce qui concerne les zones d’accélération situées sur son territoire.
- Veiller à un respect de la démocratie environnementale et à rendre inclusives les procédures face à l’illectronisme
Les sénatrices et sénateurs socialistes se sont opposés à la suppression de la procédure d’enquête publique qui constitue l’un des piliers de la démocratie environnementale. A défaut d’obtenir satisfaction, ils ont proposé des solutions pour encadrer autant que faire se peut cette suppression qui risque d’être préjudiciable notamment aux populations touchées par l’illectronisme.
Pour les sénatrices et sénateurs socialistes, la simplification des procédures se traduisant notamment par la suppression de l’enquête publique ne doit pas être synonyme de recul de la participation du public, notamment de celle des populations défavorisées. Ils ont donc veillé à ce que ces procédures demeurent inclusives. Une de leur proposition a été adoptée qui permettra lorsque la participation du public aura lieu sous une forme dématérialisée, que les populations puissent disposer d’un point d’accueil de proximité comme la mairie ou les points d’accueil de France Services pour consulter sur support papier le dossier soumis à la procédure de participation du public par voie électronique.
- Planifier sans bloquer le développement des énergies renouvelables marines, dont l’éolien en mer
Les sénatrices et sénateurs ont rejeté les propositions de la droite sénatoriale visant à imposer pour l’éolien en mer une distance de plus de 40 kilomètres des côtes. Une telle disposition aurait inexorablement condamné le développement de l’éolien en Méditerranée, en Manche et en mer du Nord tout en fragilisant la filière industrielle française génératrice d’emplois dans les territoires.
Ils ont proposé, lors de la commission mixte paritaire, la suppression des dispositions modifiant la répartition de la taxe sur l’éolien en mer entre les communes sur la base de leur population dite « DGF » c’est-à-dire en majorant la population d’un habitant par résidence secondaire. Cette modification aurait conduit à une nouvelle répartition du produit de la taxe au détriment de Saint-Nazaire, ville des chantiers navals, au profit de La Baule, station balnéaire. Cette disposition a été supprimée.
- Rendre plus équitable le partage de la valeur issue de la production des énergies renouvelables dans les territoires impactés
Les sénateurs se sont opposés à l’introduction d’un dispositif de partage de la valeur se concrétisant par un rabais sur la facture des habitants riverains des installations d’énergies renouvelables et des communes situées dans le périmètre de ce type d’installations. Ils considèrent qu’une telle disposition consistant en quelque sorte à « acheter le silence » de ceux subissant les désagréments de l’implantation de ces installations, n’est pas à la hauteur des enjeux de l’acceptabilité territoriale des énergies renouvelable. La nouvelle mouture permettra un partage de la valeur non plus seulement individualisé mais plus collectif et orienté vers la lutte contre la précarité énergétique et la préservation de la biodiversité.
Enfin, le groupe socialiste sera particulièrement vigilant sur l’ensemble des décrets qui devront traduire les ambitions de cette loi et à ce que notamment un équilibre soit effectivement trouvé entre le déploiement des énergies renouvelables, le respect de l’environnement, la participation du public et l’association de toutes les parties prenantes au dialogue territorial.